Conseil de la Zone de Police du 30 mai 2023
Sujet : Systématisation des contrôles antidrogues
Monsieur le Bourgmestre,
Chers Collègues,
Dans une très récente étude sur le comportement des automobilistes en Europe par la Fondation VINCI, nous pouvons découvrir que 5% des conducteurs belges conduisent en ayant fumé du cannabis ou consommé des drogues.
Cette étude est corroborée par celle menée en début d’année par l’Institut VIAS qui a interrogé un échantillon de 6 000 usagers belges sur les drogues et autres produits euphorisants. D’après cette étude, il en ressort qu’un jeune sur sept prend le volant sous l’influence de drogues. 14% des 18-34 ans reconnaissent avoir pris des stupéfiants avant de conduire.
Le cannabis reste la drogue la plus prisée chez les jeunes conducteurs, devant les drogues synthétiques, la MDMA, l’ecstasy, les amphétamines et la cocaïne. La conduite sous l’influence du gaz hilarant est aussi une préoccupation ; en effet, 7% des conducteurs belges affirment conduire chaque mois après en avoir pris. Ce chiffre monte à 18% pour les jeunes conducteurs de 18 à 34 ans.
Ces éléments sont effrayants, sachant que, d’après l’Agence wallonne pour la Sécurité routière, selon le type et la quantité de drogue consommée, vous multipliez de 3 à 30 fois le risque d’accident grave. Ce risque est surmultiplié si cette consommation est combinée avec de l’alcool. Là, le risque est de 200 fois !
Beaucoup semblent l’ignorer mais en Belgique, la conduite sous influence de drogues fait l’objet d’une tolérance zéro.
En effet, la loi relative à la Police de la circulation routière permet le contrôle de l’usage de la drogue au volant. Les contrôles de police s’effectuent via une procédure en plusieurs étapes : la vérification par le policier des symptômes et signes extérieurs de consommation récente de drogues sur base d’une check-list, le test salivaire si la première étape est concluante et si le test salivaire s’avère impossible une analyse sanguine est effectuée par un médecin requis.
Lorsque le test salivaire est positif, il est normalement procédé à un retrait immédiat du permis de conduire, suivi dans la majeure partie du temps par une comparution au Tribunal de Police.
Là, les peines peuvent être très importantes : des amendes et des déchéances du permis de conduire sont régulièrement prononcées.
Sachez aussi qu’en ce qui concerne le THC, on considère généralement qu’il reste présent dans la salive de 6 à 8 heures mais à condition qu’il s’agisse d’un usage occasionnel.
En effet, en cas d’usage intensif et quotidien, le THC peut rester présent dans la salive de 24 heures à 8 jours. Il n’est donc pas rare que des consommateurs réguliers, qui pensent ne plus être sous l’effet de stupéfiants, restent positifs et s’exposent dès lors à des sanctions pénales.
Pour rappel, cette drogue affecte le temps de réaction, l’attention, l’équilibre, la coordination, …
La banalisation de l’usage du cannabis et forcément sa banalisation de son usage au volant doivent donc nous préoccuper à l’instar des autres drogues.
En effet, les bulletins concernant la sécurité routière en Province et à Namur ne sont pas bons. Le nombre de victimes, décès et blessés, n’évolue pas dans le bon sens. De plus, dans le rapport 2022 de notre Zone, le nombre d’accidents sous influence (alcool ou drogues) a augmenté de 3,6% par rapport à 2021.
Le distinguo, dans les rapports d’activités de notre Zone de Police, entre les accidents sous l’influence de l’alcool et de drogue serait donc une plus-value.
Dans le Plan Zonal de Sécurité de notre Zone de Police, la sécurité routière et plus particulièrement la problématique de la conduite sous influence est pourtant l’une de nos priorités.
Et cette priorité est confirmée dans les résultats du dernier Moniteur de sécurité, c’est en effet une préoccupation pour plus de 92% des personnes interrogées.
Mes demandes sont donc simples mais pas simplistes : pouvez-vous systématiser un contrôle de la consommation de drogues lors des accidents sur nos routes et mettre en place de manière récurrente des contrôles antidrogues à l’instar des contrôles routiers pour la consommation d’alcool ?
D’avance, je vous remercie de vos réponses.
M. M. Prévot, Bourgmestre:
Merci, Monsieur Guillitte.
C’est en ma qualité de Président de la Zone de Police que je vais vous apporter les éléments de réponses.
Les chiffres que vous avez évoqués sont, en effet, particulièrement interpellants et je dirais même inquiétants.
Ceux qui sont relatifs au retrait de permis, mais que vous n’avez pas évoqués, seront probablement en augmentation lors de la prochaine analyse puisqu’à partir de ce jeudi 1er juin, la Belgique durcit les règles en matière de retrait de permis de conduire, en cas d’alcool au volant. La limite autorisée passe un cran plus bas: le retrait immédiat du permis sera effectif si vous êtes contrôlé avec 1,2 gramme d’alcool par litre de sang, contre 1,5 pour le moment. Cela reste évidemment toujours 1,2 gramme de trop.
Pour ce qui concerne le contrôle systématique de la consommation de drogues, en cas d’accident et l’organisation récurrente de contrôle antidrogues sur nos routes, que vous appelez de vos vœux, je me suis tourné vers notre Chef de Corps de notre Zone de Police pour avoir les éléments d’informations utiles.
De manière générale, les deux principales problématiques sont les suivantes.
D’abord, la procédure prend du temps. Si tout va bien, minimum 30 minutes. Une vérification visuelle du comportement de la personne, avec une check-list obligatoire en dehors des cas d’accidents de roulage, il existe une check-list standardisée pour test salivaire en matière de drogues ; on regarde les yeux, le visage, le comportement, l’humeur, le langage, les démarches ou d’autres signes ainsi qu’un test salivaire et une analyse salivaire si le premier s’avère positif.
Ce sont les trois éléments de gradation.
Si nous sommes confrontés à un refus ou une impossibilité de réaliser ces tests, une prise de sang doit être réalisée et ceci demandera un délai d’intervention plus long pour nos équipes, avec aussi la réquisition d’un médecin et un transfert probable à l’hôpital.
La fiabilité de l’analyse donne des faux positifs. Faux positifs actuellement estimés à 30%. Raison pour laquelle, en concertation avec le Parquet, nous ne réalisons plus de retrait immédiat du permis de conduire dans ces cas de figures. En effet, l’appareillage utilisé détecte la moindre trace de stupéfiants qui parfois est en réalité inférieure à la norme légale punissable. En d’autres termes, un contrôle systématique entraînerait potentiellement 30% de mauvaises constatations de la part de notre Zone de Police.
Concrètement, en 2022: 38 PV stup’ ont été rédigés, pour ce qui concerne la conduite au volant bien sûr.
Pour 2023, nous sommes actuellement à 8 PV stup’.
De plus, sur le terrain, les équipes réalisent en moyenne et en routine une procédure stup’ par semaine, même si celle-ci n’aboutit pas toujours à la rédaction d’un PV. Si le résultat est négatif ou lorsque l’on est dans le cas de quelqu’un qui s’apprête à conduire.
Lors des contrôles planifiés, les équipes entament le contrôle axé sur les stup’ à partir du moment où elles sont confrontées à des comportements ou signes leur indiquant que le conducteur a éventuellement consommé (les yeux rouges, les odeurs dans le véhicule, etc. il y a toujours cette fameuse check-list). Si au moins 3 signes sont répartis entre au moins 2 rubriques différentes qui sont cochées, alors il est procédé à un test salivaire. Je tiens cette check-list à votre disposition, si vous le souhaitez.
Comme vous l’aurez compris, le nombre de contrôles stup’ est donc assez relatif et ne se réfère pas uniquement au nombre de PV rédigés, qui n’est pas nécessairement le juste reflet non plus des cas de figures rencontrés de manière concrète.
Pour ces raisons, aujourd’hui, un contrôle de la consommation des stupéfiants n’est pas obligatoirement réalisé lors des contrôles de roulage. C’est souvent quelque chose qui est effectué, par contre, lors des accidents de roulage tandis que la procédure alcool est faite systématiquement, y compris lors des contrôles simples et pas uniquement lors des accidents.
Voilà les éléments qu’il m’était possible de porter à votre connaissance.
Je vous en prie, pour votre réplique de 2 minutes.
M. B. Guillitte, Conseiller communal MR:
Merci, Monsieur le Bourgmestre.
En déposant ce point, j’avais 3 souhaits. D’abord, faire prendre conscience de la dangerosité de conduire sous influence, autant pour soi-même que pour les autres, les risques encourus lors de contrôles policiers et aussi, par le biais de la consommation et donc des consommateurs, agir même symboliquement sur la vente des stupéfiants à Namur.
J’ose espérer quand même que les autorités communales policières ou judiciaires avaient les mêmes ambitions. Effectivement, pour ce faire, il faut du volontarisme.
Je sais que les 30% de faux positifs pourraient poser questions. Je vous ai rappelé les chiffres de consommation dans des enquêtes menées par des instituts tout à fait sérieux et honorables. Chaque week-end, chaque vendredi, chaque semaine, des personnes roulent sous influence.
Même si c’est complexe, même si cette mise en place n’est pas facile à appréhender, j’invite nos forces de l’ordre et vous-même, Monsieur le Bourgmestre ainsi que Messieurs les Procureurs du Roi, le titulaire actuel, le faisant fonction et le futur, à prendre des dispositions et à mettre en place les conditions pour que ces contrôles puissent être assurés.
Je vous remercie déjà.