Comme vous, nous avons pu constater et déplorer les importants dégâts que de nombreux citoyens ont subi pendant les orages de ce mois de juin. Des coulées de boues, de caillasses et des inondations ont été provoquées par de fortes pluies, pluies qui sont à ce jour toujours considérées comme exceptionnelles parce qu’elles ont frappé sous forme d’orages intenses dans des zones très localisées. Cette situation s’est malheureusement produite à plusieurs endroits de la commune de Namur et a été fréquente un peu partout en Wallonie, cela a encore été la nuit passée.
Je voudrais tout d’abord vous faire part d’un commentaire beaucoup plus général qui devrait largement conditionner je pense nos réflexions avant nos interventions futures.
Pour ceux qui en douteraient encore, le réchauffement climatique et les bouleversements météorologiques qu’il entraîne sont une réalité de plus en plus palpable. A côtés de ces inondations et autres tornades que nous vivons localement, le monde entier connaît des épisodes climatiques exceptionnels inconnus jusqu’à ce jour dans leur fréquence et leur violence.
Tout cela nous amène à nous interroger sur notre façon de répondre à ces nouveaux défis. Les inondations que nous connaissons pour le moment ne peuvent être traitées simplement au cas par cas, je dirais comme nous l’avons fait jusqu’à ce jour, sans vision d’ensemble d’un problème qui est destiné à se répéter de plus en plus rapidement dans le temps. Notre réseau de collecte des eaux usées et pluviales ne répond plus à ces épisodes climatiques classifiés encore d’exceptionnel mais dont la fréquence, s’accélère.
Avant d’entrer dans les détails de ce qu’il vient de se passer et de répondre ainsi aux questions qui m’ont été posées par les Conseillers, je souhaiterais que le Conseil communal, puisse prendre la mesure du problème auquel nous sommes confrontés. Répondre à ce défi exige une approche holistique de ce problème multifactoriel d’absorption et d’écoulement des eaux de ruissellement. Pour le dire autrement, il ne suffit pas simplement d’augmenter la section d’un tuyau d’égout ou la taille d’un avaloir pour résoudre ce problème.
L’INASEP lance de plus en plus d’études au profit des communes afin de tenter de répondre par grands bassins d’écoulement de ces eaux pluviales à ces problèmes. On parle ici de solutions structurelles très lourdes en matière de chantiers mais surtout aussi avec un impact budgétaire qui dépasse largement les capacités classiques des Villes et des Communes.
Que nous est-il arrivé en la matière ces derniers jours ?
Nous avons eu des débordements à Jambes ou le ruisseau de deuxième catégories d’Erpent a ravagé les installations des bâtiments où se situe le poste médical de Jambes.
Toujours à Jambes, le Vigneroule, également de 2ème catégorie, a débordé à hauteur de la Tour d’Enhaive et a envahi non seulement la chaussée de Liège et également la rue d’Enhaive. A hauteur du rond-point qui mène au Pont des Grands Malades, la rue des Lévriers a été emportée en partie par les eaux. A Cognelée, ce sont les bassins collecteurs de l’autoroute qui se sont déversés dans le réseau. A la rue Marcel Lecomte, le ruisseau non classé a provoqué de nombreux dégâts. A la citadelle, la route
des canons n’est plus carrossable. Dans ma rue, comme d’en d’autres rues namuroises, les voisins ont eu leurs caves inondées. Ce ne sont que quelques exemples.
Comment tirer les bonnes leçons ?
Je vais commencer par dresser un cours constat de l’héritage que nous avons reçu, vous expliquer les études en cours et expliquer les pistes à mettre en place.
Le constat tout d’abord.
La commune de Namur, je ne vous l’apprendrai pas, se situe dans un environnement vallonné, résultat d’une érosion qui s’est faite pendant des millions d’années. L’érosion est donc tout simplement naturelle et bien visible chez nous ! De tout temps il y a eu des ravinements importants, des coulées de roches et des inondations. Le système d’égouttage est assez ancien, les voutes du Houyoux à Namur par exemple, datent du tout début du 18ème siècle. Il y a encore des casemates autrichiennes ou hollandaises sous le centre-ville.
A Jambes, l’égout est très grand. Il reprenait le cours de l’Orjo et était calibré pour suivre le mouvement de la nappe phréatique lorsque les écluses n’existaient pas. En d’autres mots, le niveau y était variable durant les saisons et les canalisations étaient « lavées » à chaque pluie.
Depuis lors, ce bassin jambois qui a peu de pente, n’est plus soumis à ce lavage. Il s’embourbe donc facilement et demande un curage régulier avec des produits à base de bactéries pour y dissoudre les boues.
Dans les années d’après-guerre, le tout à l’égout était la règle et l’urbanisation s’est fort étendue. Des lotissements ont été autorisés sans trop de tracasseries administratives et l’égouttage n’était pas toujours traité en adéquation avec la nouvelle urbanisation. Les eaux sales et de pluies étaient mélangées et souvent récoltées par les fossés.
Le constat est là : la ville est ancienne et hérite d’une situation complexe et peu connue de l’administration, aggravée par le fait qu’elle se situe entièrement au fond d’une cuvette géographique.
Cette situation est encore aujourd’hui grandement inconnue et la rotation de notre personnel voiries tous les dix à trente ans conduit à chaque fois à une perte d’informations. J’ai encore constaté la semaine passée que nos cartes comprennent encore de nombreuses zones inconnues et qu’il faut y travailler. C’est la raison pour laquelle, les études hydrologiques du territoire namurois restent indispensables car cette cartographie du réseau est encore loin d’être complète.
Je vous rappelle que dès le conseil du 17 décembre 2012, c’était mon premier conseil, une première étude avait été lancée, bien sûr par mon prédécesseur, Madame l’Échevine Patricia Grandchamps, pour connaître le bassin de Belgrade et Flawinne. En 2015, un autre cadastre, celui de Jambes a été commandé. Il faudra les poursuivre. Ces études consistent en la géolocalisation de toutes les bouches d’égout et de la taille de toutes les canalisations qui y sont reliées ainsi que leur hauteur.
Le meilleur moyen pour compléter ce cadastre et pour déterminer ces zones inconnues est de développer une seule banque de données d’intervention pour inondations. Car aujourd’hui les plaintes sont multiples et arrivent par de nombreux canaux : Bourgmestre, Échevins, police, pompiers, services propreté et voirie… Il en va de même pour les interventions ; différents acteurs agissent sans nécessairement connaître les actions des autres. Un recoupement des plaintes et des actions doit compléter notre cartographie hydrologique du réseau.
Quelles sont les mesures prises actuellement ?
Ces cadastres permettent de numériser les bassins versants étudiés et de faire les simulations pour détecter les points difficiles et chercher les meilleures solutions pour améliorer les écoulements, notamment brusques et violents. Pourquoi avons-nous commencé par ces deux premières études ? Parce qu’il s’agissait de bassins importants où les inondations ont été graves en 2012 et que c’est de surcroît à Jambes et à Erpent que le plus de logements doivent être construits.
Au niveau des lotisseurs
Ces études valident par exemple l’imposition de la construction de bassins d’orage comme charge d’urbanisme, ce qui fait que de nouveaux lotissements tendent plus à améliorer la situation que la détériorer.
Au niveau des demandes de permis individuelles
Depuis quelques années un nouvel agent a été mis en place pour émettre des avis au niveau des voiries. Ceux-ci sont beaucoup plus stricts mais surtout cohérents sur la manière d’accepter les dossiers. Des citernes tampons peuvent être imposées et des incitants sont prévus pour l’installation de citernes à eau de pluie. Dans certaines conditions des permis sont tout simplement refusés.
Les architectes commencent à comprendre l’importance aussi pour eux, d’être fixé dès le départ sur la seule solution à retenir plutôt que de laisser la porte ouverte à plusieurs options qui parfois s’avèrent toutes impraticables. Ils ont aussi des responsabilités sur les résultats.
Il faut être conscient de l’importance et donc de l’obligation d’un dossier bien ficelé pour les intérêts de la Ville, mais aussi du demandeur du permis, que cet aspect lié à l’eau n’est plus à prendre à la légère et quand il y a inondations et/ou plaintes de riverains c’est beaucoup trop tard.
Des avis fort contraignants sont maintenant délivrés depuis environ quatre ans ; mais il faudra des années pour en voir les résultats
Au niveau de la ville
Dans l’avenir et sur base de ce cadastre, il faudra commander les ouvrages publics nécessaires à l’amélioration du réseau.
Mais, je vous rappelle qu’il y a encore 50 km d’égouts qu’il faudrait construire. Qu’il faut probablement estimer cette dépense à 50 Mio€, budget gigantesque totalement inabordable à court ou moyen terme par les finances communales.
J’insiste aussi sur le fait que peu de moyens d’entretien sont prévus pour les chambres de visite et les égouts et que c’est le cas pour Namur mais aussi pour toutes les communes belges et aussi les régions. Nous intervenons surtout en curatif suite à des accidents des éboulements ou des bouchons. Il serait plus efficace d’améliorer l’entretien systématique.
Le 23 mars dernier, Monsieur Martin, vous m’interpelliez sur les millions que la Wallonie pouvait débloquer en 2021 avec son projet « Get up Wallonia ». Nous étions déjà prêts mais malheureusement cette initiative n’a pas abouti ou peut-être pas encore…
Aujourd’hui la SPGE nous permet de consacrer 1 Mio€/an pour l’égouttage des eaux noires et nous avons environ 250.000€/an pour l’entretien et les interventions en urgence ; c’est nettement insuffisant. Cette année les travaux d’égouttage restent prioritaires sur Temploux.
Beaucoup de moyens ont été consacré par l’imposition européenne de purification des eaux ; beaucoup de moyens sont aujourd’hui prévus pour la mobilité douce et c’est très bien mais vu la
proportion de fonds propres qui doivent être consacrés à ces mêmes projets, il n’en reste pas assez pour cette problématique de gestion de eaux. Il faudra que cela évolue et je suis demandeur à ce que vous puissiez relayer cette information en haut lieu.
Monsieur Warmoes, Les pompiers et les services de police sont intervenus en urgence pendant plusieurs nuits et les services de la ville ont reçu de très nombreuses demandes d’intervention ou de plaintes via différents canaux. Il n’est jamais possible de dimensionner les services uniquement sur base de catastrophe et en même temps quand elle se produisent, il n’y a jamais que la bonne volonté et l’effort individuel de chaque citoyen qui peut aider à surmonter la crise.
Monsieur Warmoes, vous avez entièrement raison de saluer les équipes des travailleurs de la voirie et de la propreté publique qui ont travaillé d’arrache-pied pour aider les habitants sinistrés. Heureusement qu’il sont là.
Monsieur Damillot, Rue de la Sitrée, il y a deux égouts : un géré par l’INASEP et l’autre, plus local, est communal.
En cas de forte pluie, il y a deux flux importants qui proviennent de la rue de la Sitrée et de la rue Lorge et qui arrivent à contre-courant et saturent rapidement les canalisations. En outre, lorsqu’il est saturé, l’égout de l’INASEP est censé déborder vers le Frizet en passant par l’égout communal.
Or il semble que ce soit le contraire qui se passe et que le Frizet charge encore plus les canalisations.
Les phénomènes que vous décrivez a propos des trottoirs et du soulèvement des taques sont des signes des pressions hydrauliques qui sont exercées localement.
La solution temporaire de souder la taque a été exclue parce qu’elle aurait pu mener au soulèvement général de la voirie et des trottoirs au lieu du rôle de fusible « joué » par la taque.
Placer des barrières en milieu de voirie n’est pas possible. Il est vrai que c’est dangereux.
Seule une étude plus globale de l’INASEP pourra mener vers une solution. Cette étude a été lancée par l’INASEP. Elle pourrait entre autres conclure en la nécessité de créer une nouvelle chambre qui limite ce contrecourant et améliorer le rejet vers le Frizet. Nous suivons de près ces évolutions et attendons les conclusions. Des travaux devront être prévus
En conclusion, je voudrais insister une fois encore sur la nécessité d’appréhender les conséquences de cette urgence climatique de façon globale, cohérente et ordonnée. Face à un problème créé par l’urgence climatique, problème qui est amené à s’aggraver, il est temps que tous les niveaux de pouvoir concernés agissent en affectant les moyens financiers et humains à sa résolution. J’estime que la dynamique du Plan de relance ou encore les moyens conséquents dégagés pour la mobilité douce en Région wallonne montrent que la volonté politique répond présent quand c’est nécessaire.
Le problème que nous traitons ce soir mérite la même attention et le même effort particuliers.