Carte blanche par :

  • Luc Gennart est Échevin MR à la Ville de Namur et Colonel e.r., ancien commandant de la base de Florennes.
  • Dirk Auer est chercheur au International Center for Law & Economics. Il est également maître de conférences invité à l’UCLouvain et l’ULiège.

La Belgique est à la croisée des chemins. Après des semaines d’anticipation, la campagne de vaccination contre la covid-19 va enfin pouvoir prendre de la vitesse. Un choix crucial reste toutefois à poser. La Belgique mettra-t-elle en place un système de passeport vaccinal afin d’accélérer sa sortie de crise?

La question peut sembler anodine mais il en va de la relance économique belge. Cela fait plusieurs mois que l’OMS nous l’annonce: la Covid-19 ne sera peut-être jamais éradiquée. A court et moyen terme, notre meilleur espoir serait donc de la maîtriser en maximisant le taux de vaccination.

Inciter à la vaccination

C’est là où le bât blesse. A tort ou à raison, la Belgique a fait le choix de ne pas rendre ce vaccin obligatoire. Cela peut se comprendre. Contraindre les Belges constituerait une importante entrave aux libertés individuelles et risquerait, au demeurant, d’être contre-productif en ajoutant de l’eau au moulin des fanatiques anti-vaccins.

Mais la liberté absolue que certains préconisent est, elle aussi, incompatible avec les valeurs libérales. De Rousseau à John Stuart Mill, les grands penseurs s’accordent : la liberté individuelle s’arrête à partir du moment où elle nuit à autrui.

A ce titre, la vaccination présente deux problèmes de taille. Refuser le vaccin n’est pas uniquement une affaire personnelle, puisque chaque personne non vaccinée peut en contaminer d’autres. A cela s’ajoute un deuxième écueil. Il est à priori impossible de savoir si une autre personne est inoculée ou non. Impossible donc d’adapter son comportement afin d’éviter les non-vaccinés qui ont une plus haute probabilité de porter le virus. Les économistes parlent d’externalités, dans le premier cas, et d’asymétries d’information, dans le second.

Un système de passeport vaccinal ferait d’une pierre deux coups. En distribuant ce type d’attestation à ceux qui ont été vaccinés, l’État permettrait l’émergence de périmètres de sécurité.

Une compagnie aérienne pourrait, par exemple, demander que tous ces passagers soient porteurs de ce sésame, ou du moins écarter les personnes à risque de celles qui ne sont pas vaccinées. Des aménagements semblables sont envisageables dans tous les pans de la société, la seule limite relevant de la créativité des citoyens. L’utilisation d’applications, comme Onfido ou celle lancée par Microsoft et Oracle, simplifierait encore plus ces initiatives.

Certains sceptiques rétorquent que cela revient, indirectement, à imposer la vaccination. Mais en réalité, il s’agit simplement de respecter la liberté de tous les Belges. Le risque hypothétique que les anti-vaccins refusent de courir ne doit pas masquer celui qu’eux-mêmes font subir au reste de la société. Avec un passeport vaccinal, les deux camps auront ce qu’ils souhaitent, avec toutefois les conséquences qui en découlent.

Relancer l’économie belge

Chaque jour, la crise que nous traversons coûte des centaines de millions d’euros à l’économie, en plus de son coût humain exorbitant. De plus, l’État est sur le point de s’embarquer dans un plan de relance d’une ampleur inégalée depuis le plan Marshall, celui lancé en 1947 pour redresser l’Europe occidentale sur les ruines de la deuxième guerre mondiale. Si la situation sanitaire n’est pas maîtrisée, ces dépenses ne seront qu’une goutte d’eau dans l’océan.

La mise en place de mesures simples et peu onéreuses pour accélérer la sortie de ce marasme relève donc de la nécessité. A ce titre, deux constats s’imposent. Pour le meilleur ou pour le pire, les mesures sanitaires ne seront durablement levées que lorsque la situation épidémiologique sera sous contrôle. Et cela n’arrivera, vraisemblablement, que lorsque la Belgique aura atteint une masse critique de personnes vaccinées.

Le passeport vaccinal ne convaincra pas les plus sceptiques

Le passeport vaccinal ne convaincra pas les plus sceptiques, tout comme certains accepteront de toute façon de se faire inoculer. Mais à la marge, les incitants qu’il créerait pourraient s’avérer décisifs, surtout chez les plus jeunes pour qui la Covid-19 ne pose qu’un faible risque. Convaincre les indécis et procrastinateurs pourrait faire la différence entre un retour à la normale et un monde sans séjours de vacances, festivals d’été, événements sportifs ou autres événements publics d’envergure.

La mise au point des vaccins, notamment ceux à ARN messager, représente une première victoire décisive dans la lutte contre cette pandémie. C’est maintenant à l’État de transformer l’essai en mettant tout en œuvre pour étendre au plus vite la vaccination à l’ensemble de la population. Le passeport vaccinal est une pièce essentielle dans notre stratégie de préservation de notre système de santé et de relance de notre économie.